Pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
J’ai 54 ans et deux métiers. Je suis historienne et travaille sur la Seconde Guerre mondiale, la Shoah, les Roms pendant la guerre et sur les réfugiés en général. J’enseigne aussi le français aux étrangers et donne des cours de soutien à des élèves en difficulté, qui peuvent être autistes ou dyslexiques par exemple. Je me partage entre la France et la Finlande, où je vis depuis 2009.
Je connais Sophie Caruso, la fondatrice et présidente de SC Conseil, depuis l’adolescence. Nous sommes toujours restées liées, malgré des parcours très différents : moi avec mes diplômes qui me rassurent, elle avec une culture familiale d’entreprenariat. La question du retour à l’emploi des personnes socialement identifiées comme fragiles est le cœur de métier de SC Conseil ; de nombreuses femmes touchées par le cancer y ont été coachées. Mais c’est en 2015, alors que des amies et moi-même étions atteintes d’un cancer du sein, que Sophie a décidé de développer un programme dédié, La Niaque. Je ne l’ai pas expérimenté car je vivais à l’étranger, mais j’aurais tellement voulu bénéficier d’un tel accompagnement !
Laurence Prempain
Présidente de la NIAQUE
Expliquez-nous le concept de La Niaque ?
La Niaque est un dispositif d’accompagnement de retour à l’emploi centré sur la personne, sur ses besoins et ses envies pendant et au sortir de la maladie. Lorsqu’on en sort vainqueur, on ne redevient pas celui ou celle qu’on était auparavant, on reprend rarement la place que l’on avait avant. On a développé une nouvelle rage de vivre, davantage de capacités, de résilience, de créativité. Sophie parle de « personne augmentée ». La Niaque est un programme personnalisé, long de 9 à 12 mois, qui accompagne la personne dans cette redécouverte de soi et dans sa conceptualisation d’un nouveau projet professionnel ; l’objectif étant bien sûr de le concrétiser. Il inclut un bilan de compétences, des ateliers et modules pour soigner son apparence, recréer son CV, reprendre confiance en soi, oser aller de l’avant, des entretiens de groupe et individuels avec un psychologue, et parfois même des immersions en entreprise.
Les participants et participantes à ce programme constituent un solide réseau d’entraide, un collectif solidaire,
avec à l’appui, des outils de communication d’une grande efficacité, qui ont été développés pendant la crise sanitaire et la nécessité de maintenir le lien via des réunions en distanciel.
Comment vous êtes-vous finalement engagée dans ce projet ? Quelles sont vos motivations personnelles ?
La Niaque est à la fois un dispositif proposé par SC Conseil et une association. Sophie Caruso avait eu l’idée de l’association dès le début et m’en avait proposé la présidence. Mais alors que je me battais contre la maladie, avec tous les désordres qu’elle engendre sur tous les plans – professionnel, social, psychologique – je ne me sentais pas le courage d’assumer ce rôle. Elle a donc développé cette offre spécifique dans le cadre de SC Conseil. Aujourd’hui, le cancer n’est plus mon quotidien, je suis capable de m’investir à ses côtés dans ce projet. L’association dont je suis présidente est donc née tout récemment, en juin 2022. Loïc Pouliquen, qui est avocat spécialisé en droit du travail, l’a rejointe en tant que secrétaire : nous nous connaissons aussi depuis 20 ans, nous sommes proches du fait de nos personnalités, nos professions. Nous partageons une même approche du travail et lui aussi a été atteint d’un cancer. Je sais que nous allons pouvoir travailler en confiance.
Et puis, intrinsèquement, je crois que j’ai la relation d’aide chevillée au corps ! Elle s’exprime dans mon travail d’historienne – l’extermination, la discrimination, l’exclusion font référence à des vies de d’hommes et de femmes oubliés que j’essaye de valoriser via l’écriture – et dans mon travail d’enseignante puisque, s’agissant de profils particuliers, une part importante d’attention à la psychologie de la personne est requise. Aider, c’est être profondément humain et c’est être utile. J’ai envie de mettre ma capacité d’écriture et de communication au service de ce projet qui porte mes valeurs. Je veux dire et montrer à ces personnes combien elles sont belles, combien elles sont exceptionnelles et combien elles méritent la lumière.
Quels sont vos objectifs, en tant que présidente, dans l’immédiat et à plus long terme ?
L’une des premières étapes va être d’aller à la rencontre des institutionnels notamment, et de toutes les structures susceptibles de nouer des partenariats avec nous, pour faire connaître le projet et trouver des financements. A ce jour, La Niaque a été déployée en AURA, Paris IDF, en PACA et en Normandie. Dans la mesure du possible, il incombera à l’association de répondre à la demande et de s’adapter aux spécificités territoriales.
J’aimerais aussi explorer de nouvelles voies de communication. Je vais retrouver les premières participantes au programme pour raconter des parcours de vie – avec leur accord – par le biais d’interviews. Cela rejoint mon travail d’historienne…
J’ai envie également de solliciter Christine Janin, la fondatrice de l’association A chacun son Everest. C’est une femme admirable à laquelle j’aimerais proposer un partenariat.
Quelles sont les clés de la réussite d’un tel programme ?
Les personnes malades sont trop souvent réduites à leur pathologie ; un point essentiel de ce programme est de pas les résumer à cette seule dimension, de les départir de l’étiquette de maillon faible qui leur colle à la peau. La Niaque, c’est une projection positive vers l’avenir au moment où la nécessité de se questionner et d’envisager de nouvelles pistes se fait sentir. C’est apprendre, grâce à un encadrement expert et une méthodologie éprouvée dans la pratique professionnelle, à extraire la substantifique moelle d’un parcours douloureux et s’autoriser à se réinventer.
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